Introduction
Le lait, par la richesse de sa composition, est un élément incontournable de l’alimentation humaine. De tout temps, l’homme a cherché à conserver sa nourriture. C’est en transformant, un liquide (le lait) en solide (le fromage) que le fromager va appliquer un des principes essentiels de la conservation, réduire la teneur en eau d’un aliment.
En menant différentes opérations, destinées à évacuer l’eau tout en gardant des éléments nobles du lait, le fromager va créer un bioréacteur dont les différents composants interagiront pour donner les caractéristiques de ce met savoureux qu’est le fromage.
Origine et composition du lait
Le lait, produit de la glande mammaire de la femelle des mammifères est la matière première incontournable pour réaliser un fromage.
La variété de ses origines et la complexité de sa composition peut engendrer de multiples recettes et autant de produits.
Ainsi, l’espèce animale, la race, l’alimentation, les conditions d’élevage et sanitaires auront une influence énorme sur les propriétés du lait qui caractériseront par la suite le fromage.
Les espèces les plus aptes à fournir un lait de qualité « fromageable » sont la vache, la chèvre, la brebis, la bufflesse. On peut trouver également des fromages faits à partir de lait de chamelle, des femelles du yack ou du renne.
Le lait est un système dispersé composé d’eau et de ce que l’on appelle la matière sèche totale qui englobe, le lactose, les matières grasses, les matières azotées dont les protéines, les matières minérales, les vitamines, les microorganismes .
Matière première sensible par excellence, le lait doit être traité de manière rigoureuse, dans des conditions sanitaires maitrisées afin de préserver au maximum ses qualités. La chaine du froid est un élément majeur de cette préservation.
Etape 1 : la préparation du lait
En amont de la fabrication proprement dite, le lait va subir quelques petites adaptations qui lui donneront des caractéristiques déterminées et déterminantes pour la suite des opérations.
Le lait doit d’abord être sélectionné, de telle sorte que soient évincés les laits de mauvaises qualités mais également les risques de contamination chimique (produits sanitaires, antibiotiques ou autres). Il sera débarrassé par filtration, centrifugation, décantation (crémage), des éléments physiques qu’il peut contenir.
Sans traitement thermique, le lait sera sensible au développement des microorganismes
présents. En fonction de la durée et des températures de maintien, il subira ce que l’on appelle une maturation biologique, qui correspond à une acidification du milieu. Les bactéries lactiques vont transformer le lactose en acide lactique et cette acidification aura un impact sur la configuration des minéraux du lait, et des agrégats de protéines. Ce fait conditionnera grandement le comportement du lait en fabrication, duquel déclineront diverses propriétés pour notre futur fromage. Les micro-organismes en se développant, vont également libérer des enzymes qui amorceront un travail de « découpe biochimique » des composés du lait.
Les industriels de la transformation fromagère qui ont des impératifs de standards à respecter, procèdent bien souvent à une sélection de flore spécifique en traitant thermiquement (chauffage) le lait, et en réintroduisant des cultures sélectionnées, vivantes ou non.
La préparation du lait inclut l’ajustement du taux de matière grasse du futur fromage mais également la standardisation de paramètres majeurs comme pH ou les taux et la qualité des matières protéiques.
Etape 2 : la coagulation du lait
Dans un procédé traditionnel de fromagerie, on va faire coaguler le lait avant d’en extraire une partie de sa phase liquide. Il a 2 voies de coagulation possibles. La première, est celle de l’acidification. En modifiant la charge électrique des protéines, le lait va être déstabilisé et va passer d’une phase liquide (stable) à une phase solide (déstabilisée). L’acidification est obtenue grâce au développement des bactéries lactiques qui en consommant le lactose produisent de l’acide lactique.
La 2e voie de coagulation conduit également à une déstabilisation du lait mais cette fois grâce à l’action d’un composé enzymatique qu’on appelle la présure qui va découper une partie de la caséine (protéine majeure du lait) et ainsi provoquer l’agrégation des amas de protéines (micelles). La présure peut-être d’origine animale (enzyme stomacale) ou d’origine microbienne. En fromagerie, les 2 procédés sont utilisés conjointement. Le fait de favoriser l’un ou l’autre, conduira à des fromages différents. Par exemple, pour obtenir des pâtes fraiches, on favorisera plutôt la voie d’acidification, au contraire, les pates cuites seront plutôt obtenues en favorisant la voie enzymatique. La coagulation du lait correspond alors au début de l’établissement d’un réseau protéique, dans lequel les minéraux sont le ciment, et au sein duquel des liaisons physico-chimiques vont peu à peu solidifier l’édifice. Les globules de matière grasse et les microorganismes seront notamment retenus dans les mailles du réseau.
La conduite de la coagulation du lait en fromagerie, utilise les leviers suivants : qualité et quantité des protéines et des minéraux, température, dose d’agent coagulant, ph du lait au moment de l’emprésurage.
Etape 3 : l'égouttage en cuve
Quand le fromager estime que son réseau (coagulum) est suffisamment solide pour supporter un travail mécanique, mais également en fonction du type de fromage qu’il veut obtenir, il va procéder au décaillage. L’objectif est de découper le gel précédemment obtenu pour créer des surfaces qui permettront au sérum de sortir (exudation).
En jouant sur la taille des grains, on joue sur la surface d’échange. Plus les grains sont petits et plus le sérum a de possibilités de s’extraire du grain de caillé. Un moulage à la louche est un décaillage grossier qui favorisera moins la sortie du sérum.
La vitesse à laquelle le sérum est expulsé est un des paramètres majeurs d’une recette fromagère.
En effet, si la transformation du lactose en acide lactique par les bactéries lactiques se fait à l’intérieur du grain de caillé, elle aura un effet de déminéralisation dont les conséquences sur le produit fini seront réelles. Au contraire, quand le sérum sort du grain, il emporte avec lui une partie du lactose et de ce fait préserve la pâte d’une déminéralisation trop soutenue. Selon le type de fromage élaboré, les cinétiques conjuguées de l’acidification et de l’expulsion du sérum sont déterminantes.
En cuve, l’extraction du sérum va être complétée par des actions mécaniques, les brassages. L’objectif est d’éviter une agglomération trop rapide des grains de caillé qui entraverait l’écoulement du sérum. Il s’agit de remettre ou de maintenir le caillé en suspension. L’égouttage en cuve peut être renforcé en augmentant la t°c (ex pâtes pressées cuites). La température, favorable à l’édification de liaisons chimiques, augmente le pouvoir de contraction du gel, ce qui aura pour effet d’expulser d’avantage le sérum.
D’autres procédés sont appliqués pour favoriser l’extraction du sérum, comme la centrifugation du caillé (pâtes fraiches).
Etape 4 : l'égouttage en moule
La façon dont on va mouler le caillé va également être déterminante sur les futures caractéristiques du fromage. Outre la forme qu’il est sensé apporter, le moule va contribuer à parfaire l’égouttage. En faisselle, l’égouttage est statique et spontané. En pâte molle, les produits sont moulés dans des matériaux plus ou moins poreux et subissent quelques retournements. En pâtes pressées, le pain de caillé puis le fromage en moule, subissent une action mécanique de pressage qui aura pour vocation de favoriser d’avantage l’expulsion du sérum.
Quoiqu’il en soit, l’égouttage sera toujours conditionné par la cinétique d’acidification par les levains.
En effet, quand l’acide lactique s’accumule au sein des grains, il rend le caillé plus perméable. L’extraction de l’eau s’en trouve favorisée.
Toujours conditionné par le couple temps/température, l’égouttage se poursuit selon besoin jusqu’à une acidification complète du produit. Le fromage peut être alors salé, par saumurage ou salage en surface. Ce fait complète encore l’égouttage, le sel faisant migrer l’eau vers l’extérieur.
Etape 5 : de l’affinage à la conservation
D’autres microorganismes vont à présent compléter le travail des bactéries lactiques. Il s’agit des agents d’affinages. Selon leur nature et les conditions dans lesquelles ils seront amenés à se développer, ils donneront au futur produit, son caractère, sa typicité. C’est par leur faculté à transformer les molécules du fromage grâce à l’action des enzymes qu’ils sécrètent, que ces organismes libéreront des composés aromatiques, responsables du goût.
La température, le taux d’humidité ambiant, le renouvellement d’air des locaux, sont des paramètres de maitrise des conditions d’affinage.
On parle également de soins en cave, lorsque l’on retourne ou que l’on frotte les fromages. L’objectif étant d’uniformiser la surface des produits pour que les dévelopements microbiens choisis s’y déroulent correctement. La retourne, répartit également l’humidité.
Le conditionnement des produits est propre à chaque type de fromage. Mais dans tous les cas, il interagit avec celui-ci pour en compléter ou en retarder l’affinage.
Quoiqu’il soit, le fromage, composé vivant, évoluera toujours jusqu’à une limite de consommation. Siège de réactions biochimiques complexes, son évolution sera à maitriser pour en obtenir le meilleur compromis, gustatif et nutritif.